le chien enchaîné
à l'entrée de la ferme
dans un tonneau défonçé
le chien mal rasé
aux yeux de saltimbanques
regardait la lune
vagabonder à son aise...
il n'aboyait jamais
sa voix était cassée
il n'attendait personne
son maître rentrait tard
la nuit en titubant
le vent caressait son échine
mais les enfants avaient peur de sa mauvaise mine.
quand il sortait de sa niche
sa chaîne derrière lui faisait un bruit d'enfer
il ne songeait à rien
pas même à la liberté
et sculptait des os pour tuer le temps
devant les canards médusés
plantés devant sa loge
comme devant un musée.
on l'aurait condamné à la réclusion à perpétuité
maintenant
il lapait sa soupe à petits coups de langue
dans la somnolence des pierres et des racines
et mesurait d'un oeil limpide
la profondeur du ciel
lorsqu'il mourût de vieillesse
ou d'oubli
on lui ôta son carcan
pour la première fois.............
Robert Delahaye